LES DIRIGEANTS S’EN VONT, LES INSTITUTIONS RESTENT… !
Oui, d’une façon ou d’une autre, aujourd’hui ou demain, cette année ou l’année prochaine, les dirigeants arabes doivent s’en aller, c’est-à-dire quitter le pouvoir, rentrer chez eux, rendre la révérence, jeter l’éponge, partir, se faire renverser par un putsch, mourir, chacun selon ce qui est écrit là-haut, comme n’a cessé de le répéter un certain Jacques le Fataliste.
Il suffit de constater qu’au Maghreb, le dernier des cinq dirigeants ayant signé le livre d’or de la création de l’U.M.A., est en train, à cet instant, de chercher la manière avec laquelle il doit quitter son refuge d’El Azizia à Tripoli
la Libyenne, d’un moment à l’autre.
Il s’agit bien sûr du colonel vedette, le principal putschiste de 1969, le créateur de la première Jamahiriya, l’auteur du fameux livre vert ; le dirigeant imprévisible, l’orateur attirant malgré lui, par son arrogance gestuelle et discursive, par ses accoutrements aux couleurs bizarroïdes, par ses envies, ses instincts, ses velléités de domination de tout le monde.
Il s’agit, faut-il y insister, du dirigeant libyen le Colonel Kadhafi, le fou gueux fougueux, qui aime se déplacer en avion, pour des visites d’état, en compagnie de sa suite spectaculairement imposante, impressionnante, après avoir posé sa condition sine qua non : il préfère séjourner dans sa demeure de prédilection : sa tente majestueuse.
Tout pivote autour de sa personne ; tout, toutes, tous, doivent forcer l’admiration de sa personnalité, le culte du personnage qu’il veut toujours incarner au fond de lui-même.
Comme on peut aisément le constater, parler de
la Libye, c’est avant tout et surtout parler du C.K., car c’est lui le moyen, c’est lui l’objectif, c’est lui le système, c’est lui l’institution, les institutions, c’est lui le libérateur, toujours et partout le meilleur, le démocrate, le penseur, le philosophe, l’illuminé : à ses yeux tous les autres ne valent rien, par conséquent, ils n’ont aucun droit d’être cités.
Ce fut également le cas des deux dictateurs Ben Ali et H.Moubarak qui, jusqu’à la veille de leur chute, étaient et représentaient, eux- mêmes, des institutions qui ne répondaient qu’aux ordres des deux présidents et de leurs valets et mercenaires. Tout devait paraître et apparaître petit, insignifiant face aux institutions présidentielles, elles seules incarnaient la grandeur des deux états :
la Tunisie et l’Egypte. !
Les dictateurs investis du pouvoir suprême, se croient le centre de toutes les grandeurs. Pour ce faire, ils ne ménagent aucun effort pour minimiser, dénigrer, infantiliser, ridiculiser, priver les institutions de toute tentative de prouver leur existence, de s’acquitter honorablement et dignement de leurs tâches et attributions. Les dictateurs ont tous ceci en commun : ne pas permettre aux différentes institutions de l’état, d’exercer pleinement leurs devoirs légitimes de servir le peuple, puisque cela signifierait, le partage démocratique des pouvoirs.
Dans le cas des vraies démocraties, les dirigeants démocratiquement élus, font tout pour responsabiliser, impliquer, associer les institutions constitutionnelles, car ils savent que leur séjour au palais présidentiel se termine avec la fin de l’exercice de leurs attribuions constitutionnellement définies.
Au départ du dirigeant d’un état démocratique, rien ne s’arrête, aucun vide n’est permis ni toléré, des machines institutionnelles de l’état, bien rodées, bien huilées, assurent la continuité sans la moindre panne, ni le moindre raté, ni la plus petite anomalie dans l’intégralité du système. /.
DE VIVE VOIX : Mohammed ESSAHLAOUI